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Cédric Bouleau
18 novembre 2020

Désir déliré

Je suis un incurable fabulateur de mon avenir. Je me disperse, incapable de maintenir quelque concentration sur un même thème plus de quelques pages sinon lorsque je me mets à avoir des propensions à délirer lourdement, d'autres diront à fantasmer, sur ce qui pourrait advenir d'une relation encore correcte sous tous rapports avec une personne de l'autre sexe. Me voilà parti dans des circonvolutions sans fin sur ce que j'en attends, prudent tout de même, et des hérésies conjugales que d'autres peuvent se permettre sans les disqualifier. Il reste un travail de deuil à accomplir, je vois bien que rien n'y fera. Je ne suis même pas sûr d'être amoureux, je rêve. D'une rencontre de plus, de tout un monde de possibles, d'une créature aimable et consentante avec laquelle nous pourrions écrire à quatre mains des livres entiers rien qu'à nous parler. Il ne s'agit même pas de folies sexuelles, les médicaments ont réussi à me couper la chique. A moins que... délire d'amour ne se résume-t-il pas souvent qu'à prétentions charnelles ? Je me livre à vous avec ce cri du cœur : je suis pathologiquement en quête d'affection dans l'arrière-boutique de mon esprit – lequel se libère dans l'écriture. J'aimerais en faire la thèse mais je n'en produirai que le brouillon. Il semble assez clair que les problèmes romantiques occupent la place la plus importante dans la culture de masse. Partout, dans les livres, dans les films, dans les chansons, dans les publicités, dans les magazines de salles d'attente, le Graal est toujours le même. Il faut opérer la fusion des corps. Elle y mettra autant de vernis qu'elle voudra, la culture me rappellera toujours à l'ordre. C'est une conspiration pour faire de la nature la part secrète de mes aspirations. Mais j'attends plus, ambitieux et risible depuis le fauteuil calé devant mon ordinateur. Ambitieux parce que je ne suis pas à la hauteur du défi, risible parce que je sonne faux. Ce que je veux est hors-de-portée et ce soir je me résigne à la passivité puisque rien vraiment n'y fait (ne l'ai-je pas déjà dit ?). Arrêter de courir bêtement après quelque chose dont personne ne veut sera sans doute la décision la plus raisonnable et la plus responsable de ma vie. Amie autant qu'amante, je n'ai même plus le moral pour qu'une d'entre elles le devienne. Je ne comprends pas mes contemporaines, la plupart en tout cas. Et après je craque, terminant parfois ma journée dans le bureau d'un psychiatre qui comprend bien que j'ai besoin de cachets bleus, roses et blancs pour apaiser mon trouble naissant. Il y en eut une à qui j'ai pu écrire un cahier entier de mes pérégrinations romantico-psychotiques et cela s'est conclu par un séjour de quatre mois à l'hôpital. Et je suis toujours sur la brèche pour recommencer dans ce genre d'obsessions. Je ne sais que rêver...

Excédé par mon propre appétit, il ne me reste que la littérature et le déni pour passer outre mes désirs. Il paraît que je suis trop prévisible. Faut-il ajouter une part de mystère à ces rapprochements ? Ne rien demander pour tout avoir. Reste que j'y mets de la joie, un ami parmi vous l'a bien noté, et de l'enthousiasme. Je me livre même, heureux de pouvoir partager ma spécificité. Qui ne la connaît pas désormais ? Ça ne m'effraie pas, je suis assez bien avec ma psychose pour la partager avec qui veut bien en recevoir le discours. Qu'est-ce que je fais dans la vie ? Je convale... La volonté que j'ai pu mettre par moments à trouver du travail n'avait qu'un sens, celui de mériter mon désir. Mais c'était un cul-de-sac. L'angoisse et le reste me ceignent chaque fois que j'essaye. J'ai abandonné cette folie destructrice (pour l'instant) pour une vie tranquille qui n'intéresse que moi. Je lis, j'écris, parfois j'écoute une émission de radio ou je joue. Je meuble. Je me disperse. Il n'y a rien de plus effroyable que cet échec. Rien ? Dans le genre ridicule sans doute. Je fais ma route assis bien que j'aie commencé à replonger dans les arts martiaux. Parce que c'est la guerre ici-bas et que la géopolitique est mon jeu vidéo le plus stimulant, presque déshumanisant tellement j'excave des horreurs de l'Histoire. Soyons honnêtes, ce que je veux c'est ma Simone de Beauvoir, amour nécessaire qui ne se formalise pas des amours contingents. C'est la vieillesse qui se profile dans ce désir de jeunesse. Je n'ai peut-être pas franchi toutes les étapes pour être admis parmi vous, gens de bien souvent, et je continue de dégringoler les marches chaque fois que j'essaye d'en avaler deux ou trois. Etre de bonne humeur ne suffit pas à l'éclosion de mes bluettes débiles, il manque quelque chose. Comme je n'arrive pas à la trouver, je me convaincs qu'il faudrait que j'en abandonne la quête. Personne ne s'en offusquerait sinon la Providence, qui me regarde d'un œil malade en train de déballer mon sac. Je ne sais que rêver...

Un hère quelconque aura pu dire qu'il faut la jouer fine. Il voulait dire ruser pour aller droit au but et découvrir l'autre seulement si affinités. Un travail de dupes devant lequel je fais le contraire. J'ai envie de découvrir vos vies, savoir ce qui se cache derrière mes désirs sans importance et ce sont ces désirs qui parasitent mes envies de savoir plutôt que d'avoir. Non, vous n'êtes pas que des corps. Mais vous l'êtes aussi, voilà l'essence du drame. Il n'est pas question pour moi de me réfugier dans un quelconque puritanisme, je veux vous aimer en entier, partager les mots qui expriment ce qui se passe en vous de manière épique, que la discussion ne connaisse que des pauses et point de terme. Le contrat n'est pas encore conclu, je n'aspire pas à vous effrayer de vies communes. Je me demande juste ce que vous voulez et, si vous voulez la même chose que je voudrais, comprendre à quel moment j'ai raté un truc. Craignez-vous que je viole votre jardin intime par quelque maladresse ? Mes lubies paraissent louches ? Je ne suis qu'un intermittent du délire pourtant. Je ne cherche pas à répandre vos vies sur Facebook, je n'y mets que la mienne. En soi, c'est déjà un acte fort, bien que je ne sois pas le premier. Je glisse une ouverture pour des espoirs même platoniques et je m'en tire avec le silence comme revenu. De toute façon, est-ce bien raisonnable de me répondre ? Après débat, j'imagine que celle qui acceptera cette fragilité monté en obsession, ce déluge auto-analytique, sera celle qui conviendra le mieux. Et à savoir si elle existe on tombe peut-être dans une impasse. Peut-être ! N'est-ce pas un adage courant que de dire que tout est possible ? Je me fonds dans mon délire platonique, heureux de ne pas avoir à vivre les aléas de la vie de famille, laquelle aurait de grandes chances de me perturber outre-mesure, ni ceux de la vie de couple, dont les heurts peuvent être d'une intensité plus grande que ceux de la simple solitude. Quoique je puisse en dire, il reste des boulevards de liberté sur lesquels on trouve de la place aussi pour l'autre. L'autre, ce désir délirant qui se fait l'écho d'un désir déliré. Finalement, ce que je cherche n'est pas plus qu'une intimité, bien que ce soit un rapport privilégié, pour vivre corps et esprit et trouver une oasis où m'épancher. Or, qui suis-je pour demander autant ? Simplement le mandataire d'une même promesse. S'il est encore temps de faire des promesses dans un monde sans cesse en mouvement... Mon ordinateur, blindé de logiciels à tout à faire, est la porte magique vers une jungle de potentialités et je me répands sur la toile, je me lâche sur Facebook, en croyant que cela servira à quelque chose. Et alors ? Les mots sont posés. Je ne sais que rêver...

Et maintenant, qu'en est-il de mon devenir ? Je rabâche à propos de mes sentiments ambivalents sur la gent féminine et je ne trouve pas la piste pour sortir de ce commun cauchemar – oui ou non ? Le plus étrange, c'est le décalage entre l'homme écrivant et l'homme vivant. Évidemment que ces thématiques ressurgissent dans la vie réelle, mais je ne m'en retrouve pas plus malheureux pour autant. Je fais mon autoportrait, par le biais de mes démons, et cela donne quelque chose de tragique qui va à contre-sens de mon plaisir d'exister malgré tout. Les femmes de ma vie, je les aime toutes, les anciennes et les nouvelles. Tout ce qu'elles m'ont donné m'est un onguent pour la confiance que je mets en moi et que je sacrifie à un passé que je veux dépasser pour en faire un modèle de désillusion. Et laisser place nette aux hallucinations ? Peut-être bien... Je clame trop, je ne pratique pas assez, tout est spéculation. Embourbé jusqu'aux dernières synapses de ma raison, il ne reste plus qu'à bêler idiotement en cherchant un moyen de trouver la Concorde. Je ne vaux en cela pas plus qu'un autre, je suis accroché aux mêmes lubies que mon prochain dans cette société qui ne veut connaître que le plaisir et pas le bonheur. Être scopique, je cherche une dame du regard en attendant de la trouver en esprit, c'est un trait banal, et souvent je rencontre cet esprit avant la chair, faisant d'un monde hédonique un monde platonique. Grand bien que voilà, pourtant personne n'y croira. Allons, jeune mâle pulsionnel, tu veux goûter aux plaisirs sacrés. Mais quels sont-ils réellement ? Il y a disproportion à juger que l'amitié homme-femme ne puisse être actée, il y a également trop d'entre nous à penser que celle qui existe dans les faits ne puisse pas trouver les voies du plaisir des corps enlacés. Alors je fais d'un monde compliqué un monde abusé. D'où vient cette aliénation de la pensée qu'il faille choisir entre l'amour et l'amitié ? L'amour étant un vaste champ de défaite par la possession, il me semblait pertinent de le contrebalancer d'un sentiment d'amitié qui en fait un univers de complicité beaucoup plus intéressant. Mais pour l'instant, je m'installe dans la crasse, je fais vivre une idée pathogène non-virale qui ne concerne que mon propre désir délirant. Parfois je fuis devant la tâche, je bloque à mi-parcours de la récompense, je détruis mon désir en le sublimant par la littérature. Et après ? Qu'adviendra-t-il de l'homme aimant ? Il s'effacera sans doute devant l'homme pensant, toujours prêt à consentir à une nouvelle valse psychique. Je ne sais que rêver...

Sur les routes de l'information, je ne rencontre le sérieux amoureux que dans les marges, bien caché parmi les brèves de la géopolitique qui gouverne la raison de nos gouvernements chatouilleux et pragmatique. Le sérieux amoureux, emblème fantasmatique de la conjonction du désir animal et cet l'éther culturel qui se partage à deux, à cinq, à mille, ne trouve pas sa place dans ma vie (peut-être dans celle d'un autre), non point parce que je la refuse – bien au contraire –, mais parce que je n'arrive tout bonnement pas à en trouver la trace autour de moi. Il y a des ambiguïtés, des équivoques que je m'invente pour faire passer la pilule en en faisant la trame de mes écrits pas si fous. Et je ne trouve que cet onanisme scripturaire pour faire l'équilibre entre mon désir délirant et la simple réalité que je n'arrive plus à masquer de mes joies anticipatrices qui s'effondrent au premier coup de vent. D'ailleurs, il est tentant de croire qu'il n'y a d'ambiguïté que de mon côté, docile servant d'une kommandantur romanesque périmée, et que la messe soit dite de l'autre. J'enquille vaillamment les impossibilités jusqu'au craquement de l'allumette qui fera sauter cet édifice plein de poudre qu'est mon cerveau malade. On l'a déjà vu, je suis optimisé pour partir en vrille lorsque les vents deviennent un peu fort et me réveiller, après deux semaines d'hospitalisation, dans un état propice à déblatérer sans fin sur mes sentiments les plus vains. Je me mets alors à lire de façon compulsive pendant deux jours, pour trouver le ton idéal sur lequel plaquer mes diatribes. Cela reste toujours insuffisant, je suis malade d'amour. Il faut le héler, en général sur le fil d'actualité publique de ma page Facebook, pour rendre cette maladie consistante en la partageant. Bien sûr, cela ne m'empêche finalement pas d'être dans le trouble mais guérit quelques heures qui étaient destinées à la sinistrose autrement. C'est le média de prédilection de ma rébellion en carton. Souffrirai-je qu'on me lise ? Hé ! Peut-être bien. Dissident de la réalité, je m'empoigne avec mes illusions pour voir quel son elles font. J'ai envie d'aimer, mais j'ai encore plus envie de l'écrire, tracer sur mon écran les germes de ma méprise. Pour enfin trouver celle qui se plaira à soigner mes plaies et qui s'amusera de mes tentatives de faire cicatriser les siennes. Le plus grand heur est quelque part loin de moi, d'ici on ne voit que ce destin de fatalité, même s'il est sans doute exagéré. Prendre la vie à pleines mains ? Encore un conseil de charlatan, il n'y a que le fatum, la nécessité et la morosité. Je suis mal fait, je ne sais que rêver...

Comment rendre compte de mon écartèlement sinon en le magnifiant dans la douleur de vivre qui semble suinter de mes textes ? En imaginant que, finalement, je suis assez souple avec les formes que prend la vie telle qu'elle est en réalité. Il est possible que ce soit de la comédie, bien que je joue ce rôle avec sincérité.

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Cédric Bouleau
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